Doctoral thesis

Jean-Marie Musy (1876-1952), un ancien conseiller fédéral entre rénovation nationale et régimes autoritaires

    06.02.2004

1033 p

Thèse de doctorat: Université de Fribourg, 2004

French Jean-Marie Musy 1876-1952. L’itinéraire tumultueux de cet homme politique suisse, conservateur de choc qui a connu les plus grands honneurs avant de glisser dans les marges sombres de l’histoire helvétique, n’est pas, en tant qu’objet de recherche historique, une terra incognita. Un tour d’horizon de l’historiographie le prouve. Plusieurs facettes de sa biographie sont présentées au détour d’ouvrages dont il n’est pas le thème central; certaines ont même donné lieu à des études savantes spécifiques. Est-il donc vraiment nécessaire de revenir sur le sujet? Nous serions tenté de répondre par l’affirmative car, en histoire, rien n’est jamais définitif. Notre étude s’inscrit dans ce processus de questionnement perpétuel et nécessaire. Elle n’est qu’une étape dans un débat qui, immanquablement, reste ouvert. Par cette étude, nous souhaitons renouveler certains angles d’approches, faire un sort aux légendes apocryphes, qu’elles soient dorées ou noires, et défricher quelques champs d’investigation encore peu connus. Il s’agit donc, en partie, de contrôler, de repenser et d’explorer plus à fond ce que nous connaissons déjà de l’historiographie. Notre but est également de retracer, sans a priori ni interdits, l’ensemble d’une trajectoire politique, tout en renonçant à répondre à toutes les questions, tant les domaines connexes sont nombreux. Personnalité souvent ambiguë et complexe, Musy mérite mieux qu’un raccourci et des jugements à l’emporte-pièce. Une approche nuancée de sa vie oblige à l’établissement précis des faits et à leur analyse détaillée, la conceptualisation et les modèles théoriques ne permettant pas toujours de restituer l’originalité d’une trajectoire personnelle et la complication du monde réel. Au fil de la présente biographie politique, nous tenterons de brosser le portrait d’un conservateur mis au défi de la modernité dans une phase de transition pour le moins troublée. Car, nous en sommes convaincu, une des clés d’explication de l’itinéraire suivi par Musy tient assurément au choc de ces deux termes, conservatisme et modernité, deux concepts au demeurant difficiles à définir et qui, tous deux, ont leurs côtés positifs et négatifs. Le conservatisme de Musy s'inscrit dans l’histoire de l’Europe. Ses racines profondes plongent dans la culture contre-révolutionnaire apparue à la fin du XVIIIe siècle. Aux Lumières, à la Révolution française et à la révolution industrielle répond une contrerévolution conservatrice dont la raison d'être est la défense de la tradition. Mais elle ne saurait être définie que par le maintien du statu quo et la crainte d’une évolution perçue comme un déclin. Le conservatisme oppose notamment les principes d'autorité, de hiérarchie et d'obéissance aux idées de liberté et d'égalité de 1789. Il naît pour ainsi dire avec et contre la modernité. Relancé par les révolutions de 1848 puis par la Commune, ce vaste courant de réaction trouve de nouveaux chefs d’accusation dans l'industrialisation, l'urbanisation, l'apparition d'une civilisation de masses sécularisée, la montée du socialisme. Aussi la pensée conservatrice est «d’abord une doctrine politique et sociale de réaction, née de la rupture d’une tradition et de la nécessité d’argumenter pour la défendre ou la rétablir». Le conservatisme peut aussi se comprendre comme une «attitude de protestation». Dans le cas de Musy, un homme d’ordre avant tout, cette désapprobation prendra souvent la forme du refus à l’égard des changements sociaux et politiques. À l’opposé, la modernisation désigne généralement le passage d’une société traditionnelle fondée sur une économie rurale et artisanale, sur des hiérarchies sociales ancestrales, des attachements à des particularismes locaux et des valeurs religieuses à une société de classe établie sur la production industrielle et l’accroissement des biens et des services, une société marquée par l’urbanisation, la sécularisation et l’individualisme, ainsi que par la représentativité du pouvoir politique, la centralisation et la bureaucratisation. Souvent associée au progrès, la modernisation n’en possède pas moins ses côtés sombres; elle a pu contribuer, dans des pays industrialisés et des sociétés évoluées, à donner une plus grande ampleur à certaines barbaries du XXe siècle. Replacé sur l’échelle de l’histoire de l’Europe entre 1789 et nos jours, l’itinéraire de Musy n’est jamais rien d’autre que celui d’un conservateur qui, toute sa vie durant, se trouve confronté à des changements politiques et sociaux qu’il tient en grande partie pour des formes de décadence. Ses aspirations rénovatrices ne sont jamais aussi fortes qu’en période de crise. Traditionaliste dans sa manière de concevoir l’ordre politique et social, il n’en est pas moins en phase avec l’actualité, ouvert aux progrès techniques et à l’essor économique. Aussi, pour faire bref, peut-on déjà le définir comme un conservateur progressiste. Les oppositions contenues en puissance dans ces termes sont un peu à l’image d’une époque fort contrastée qui fut elle-même l’«âge des extrêmes».
Faculty
Faculté des lettres et des sciences humaines
Language
  • French
Classification
Medieval and modern history
Notes
  • Ressource en ligne consultée le 11.09.2007
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